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L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


Que fais-tu si longtemps, absent de ta bergère,
            Berger ; quelle pressante affaire
Te dérobe aux transports de mon cœur amoureux ?
Aux pieds de quelque Iris ne romps-tu point nos vœux,
            Ton âme, inconstante et légère,
Me fait appréhender un changement fâcheux.
            Ah ! Céladon, si la fortune
            Te permet de m’en jouer d’une,
Je ne veux pas survivre à ce cruel malheur.
Sans chercher de remède aux coups de ma douleur,
      Je percerai ce trop facile cœur,
Dont la fidélité m’a rendue importune.
            Je ne suis guère fine encor
            D’avoir ainsi donné mon or
            À ce Cupidon trop volage.
            Il n’aurait jamais pris l’essor
            Pour sortir de son esclavage,
Si je l’avais gardé pour appuyer mon âge
            Contre son infidélité.
            Trop niaise sincérité,
            Fatale libéralité.
Franchise condamnable, ah ! que je vous déteste !
Sans vous le beau trompeur n’aurait jamais quitté
            Des bras où l’avaient invité
L’espoir que mon argent lui donnait d’être leste ;
Il fallait lys à lys qu’il fut débité
Et de cette façon je l’aurais arrêté
            Jusqu’à ce qu’il eût le reste.
            Dans la rencontre où je me vois,
            Mon cœur me fait bien des censures ;
Mais qui peut bien aimer et garder des mesures ?
            Amarante ce n’est pas toi.