Aller au contenu

Page:L’Œuvre de P.-C. Blessebois, 1921.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

151
LE RUT OU LA PUDEUR ÉTEINTE


            Je l’aurais cru couvrir d’injures,
            Si, lorsqu’il me donne la loi,
            J’avais pu retenir pour moi
Ce qui charme en tous lieux toutes les créatures,
Et sans qui ce serait un pauvre homme qu’un roi.


La Serre, qui avait écouté la plainte d’Amarante, et la voulant divertir d’un deuil qui profanait le séjour de la joie :

— Ah ! que veut dire ma belle cousine, lui dit-elle, que vous songez à vous affliger de la sorte ? Comment êtes-vous si peu stoïque ; et pensez-vous, en bonne foi, que le déplaisir puisse opérer de bons effets sur vos grâces ? Quelque grandes qu’elles me paraissent, vous les auriez bientôt éteintes si vous donniez un plus long cours à cette pernicieuse mélancolie.

— Je vous avoue, répondit Amarante, que je n’aime guère à me former des éléphants pour les combattre, mais je ne sais quoi me dit que Céladon me trahit au moment que je vous parle, et je ne puis que je m’en aie beaucoup d’inquiétude.

— Il ne faut pas trouver étrange, reprit La Serre, que Céladon tarde si longtemps ; je connais peu de cavaliers qui aient tant d’amis que lui, et c’est miracle s’il s’en peut débarrasser de toute la soirée. »

Après qu’elle eut dit cela, elle conduisit la nouvelle brebis à l’herbage, où elle ne croustilla pas si mal que son dépit l’avait laissé penser. Amarante ne fut pas plutôt saoule qu’elle s’alla coucher, et il y avait déjà