Page:L’Œuvre de P.-C. Blessebois, 1921.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

180
L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


satisfaire, car il est replet, d’une taille mal prise et effroyablement grosse, l’esprit railleur, piquant et sans aucun brillant ; tout son plaisir est de jouer les maris, leur humeur jalouse ; dans son visage on ne voit rien que de stupide et de brutal, et qui l’observe bien remarque dans toutes ses actions l’instinct d’une bête qui paraît sous la figure d’un homme ; il a le cœur bas, petit et capable de mille faiblesses. Pour le foie, il l’a prodigieusement grand, et la plus belle réputation qu’il s’est acquise est de passer pour le plus grand mangeur du pays ; il veut qu’on le croie homme d’étude, mais ceux qui le connaissent savent bien qu’à moins que les sciences ne soient infuses, il n’en peut avoir acquis, puisqu’il met tout son esprit à pouvoir écarter un as pour faire un repic à propos. On peut dire cette seule chose à son avantage, qu’il est fort ouvert, qu’il n’a rien de réservé, et que les choses qui sont les plus particulières chez les autres deviennent publiques chez lui.

Un mari fait ainsi était justement ce qu’il fallait à Lupanie ; il n’était point incommode, et quand quelque amant lui rendait visite, après l’avoir remercié de l’honneur qu’il lui faisait, il sortait par respect de la chambre et le laissait seul avec elle.

Cléandre fut un des premiers qui retourna à l’assaut après ce mariage. Il eut tout le plaisir imaginable quand il apprit de la bouche de Lupanie l’artifice dont elle s’était servie pour persuader à son mari