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L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


suivre son inclination et de chercher une vie plus heureuse.

Son miroir l’instruisait assez du peu de beauté qui lui restait, et elle voyait bien que ses deux grossesses lui avaient fait perdre cet éclat de jeunesse qu’elle avait eu sur le teint, et diminué le peu de vivacité qu’on avait vu dans ses yeux. Pour réparer ces défauts, elle eu recours au fard, et du rouge et du blanc, et elle emprunta une beauté qu’elle ne devait qu’à elle seule, et où l’art avait mille fois plus de part que la nature. Si elle eut ensuite de la sévérité, ce ne fut plus que dans les grandes assemblées, et, seule dans quelque alcôve avec un homme d’un tempérament amoureux, elle aurait été bien plus traitable. Elle n’attendait plus que quelqu’un qui se découvrît pour le rendre heureux, et suffit qu’elle l’aimait déjà par avance, sans savoir son nom ni son mérite.

Celui qui franchit le premier pas fut un moine défroqué qui, avec quantité de petites lésines qu’il avait faites sur sa pension viagère, avait fait un fonds de quelques pistoles qui ne lui servirent pas peu pour avancer ses affaires.

Ce moine se nomme Anthonin ; il est d’une taille grande, menue et mal fournie ; sa tête et ses yeux penchent incessamment contre terre depuis son noviciat ; son visage est long et fort serré ; deux gros os, couverts de peau ridée, font la forme de ses joues, au-dessous desquelles on voit deux grands creux ; ses