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Page:L’Œuvre de P.-C. Blessebois, 1921.djvu/218

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L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


clairement sa pensée là-dessus qu’indispensablement il serait forcé de passer outre.

— Quand on aime, lui disait-elle, avec une pudeur étudiée, autant que vous le dites, se contente-t-on d’en faire si peu que vous faites ? Vraiment, l’amour aurait de faibles plaisirs si l’on s’en tenait là, et les personnes qui aiment seraient bien à plaindre de se voir si mal récompensées des peines qu’elles souffrent sous l’empire de l’amour.

— Eh bien ! si cela est, répartit Nicaise, pourquoi êtes-vous si insensible aux tendresses d’un cœur qui vous aime tant ? Hélas ! je ne connais que trop que votre âme insensible cherche ce petit détour pour m’obliger à m’éloigner de vous et à ne plus vous aimer. Vous prétendez par là, cruelle, rebuter ma tendresse en me représentant le peu de fruit que j’en reçois. Mais, enfin, pourquoi la blâmez-vous, puisque les faibles plaisirs dont elle me repaît n’ont pas pour fondement les sens et n’ont rien de criminel ?

— Quel autre fondement pourrait avoir pour ces plaisirs, reprenait-elle, un véritable amant, que celui des sens ?

— Les plaisirs, répartait-il, de rêver sur son amour, de s’entretenir en de douces inquiétudes, de penser à la personne qu’il aime, de lui jeter mille regards amoureux, de se plaindre, de soupirer, de languir, de pleurer.

— Et vous appelez cela, interrompait-elle, les plai-