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Page:L’Œuvre de P.-C. Blessebois, 1921.djvu/254

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L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


Quiconque vit jamais une louve en furie
Entrer effrontément dans une bergerie,
Pour acharner sa faim sur d’innocents agneaux,
            Tel a vu la jeune comtesse
Entrer par la fenêtre avec plus de souplesse
            Qu’un poisson que le danger presse
            Ne fend le clair cristal des eaux.

Je me retirai tout bellement dans ma chambre, et j’étais à peine dans mon hamac que j’entendis renverser tous les meubles d’en bas, ouvrir violemment toutes les portes et pleuvoir une grêle de coups de bâton sur le bonhomme La Forest et sur M. de La Croix. Les cris de ce premier se faisaient entendre jusqu’au Marigot, et l’autre ne s’en réveilla seulement pas ! La comtesse se croyait tellement invisible qu’elle n’avait pas voulu éteindre la lampe et qu’elle se promenait entre les lits de ces deux bonnes gens avec la même assurance que si elle avait été aussi raréfiée qu’il y a de matière dans son composé. Son ravage dura une demi-heure, et c’est une merveille qu’elle ne fût point découverte, car tous les nègres du marquis du Grand-Pérou et son économe arrivèrent au secours du bonhomme La Forest dans le temps qu’elle sortait de la scène par la porte où ils entraient.

Aux yeux de tant de gens elle put se cacher !
Je devine comment, sans consulter l’oracle,
            La foi ne trouve point d’obstacle ;