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L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


bien malade. Montrez, montrez-moi Margot, que je la visite et que je tâche à remédier à ses blessures ; je la guérirai infailliblement, car il n’y a pas encore vingt-quatre heures que le mal est fait. » La comtesse de Cocagne ouvrit un petit coffre caraïbe qui servait de monument aux membres mutilés de la pauvre Margot, et me l’ayant enfin apportée dans les mains, je lui trouvai une jambe rompue, un bras cassé en trois ou quatre endroits, les yeux crevés et la tête percée de part en part de huit coups d’une aiguille monstrueuse. Je feignis une affliction inouïe, et cependant le prince étranger faisait à la comtesse des réprimandes proportionnées à sa faute et lui conseillait de chercher des voies à m’apaiser. Elle me donna plus de cent baisers l’un sur l’autre, après quoi je remis Margot dans son entier avec peu de peine ; mais je ne trouvai pas bon de la lui rendre, bien que ce fût une chose vaine et ridicule, parce qu’elle n’offensait pas moins Dieu sur cette figure que si ç’avait été une créature vivante et capable d’un véritable sentiment, puisqu’elle avait mauvaise volonté.

            Mais quand on est né pour le vice,
Malgré l’empêchement, tôt ou tard on y glisse.
Si l’on en peut parfois éloigner le sujet
            Et rompre le fatal projet,
            On en irrite la malice.

Nous nous mîmes à table et mangeâmes de bon