Page:L’Œuvre de P.-C. Blessebois, 1921.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

274
L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


            Chacun va, la pierre à la main,
            Grossir ce spectacle inhumain
            Et seconder son infortune.
Ainsi, mon cher Cadot, quand le pauvre est à bas,
            Chacun sur son corps en jette une,
            Afin d’avancer son trépas.
            Qu’un pauvre tombe de faiblesse,
On dit incontinent qu’il tombe du haut mal ;
Le pauvre, quoi qu’il fasse, est un pauvre animal
            Dont partout le riche se blesse.
      C’est vainement qu’il est tranquille et doux,
Chacun fuit son abord, il est hué de tous ;
            On ne chérit que la richesse.
            Qu’un riche tombe du haut mal,
On dit incontinent qu’il tombe de faiblesse.
            L’or est un merveilleux métal.
            Cette contagion est telle
            Qu’elle se répand en tous lieux ;
            C’est un vent pestilentieux
            Que souffle quelque ange rebelle.
            L’or fait plus fléchir de genoux
            Que le sang de l’Agneau très doux
            Qui souffrit une mort très aigre ;
Cette erreur est si grande et ce faible est si fort
Qu’on imposait la charge et le joug au bœuf maigre
            Quand on adorait le veau d’or.
            Chaque médisant empoisonne
            La cause de l’homme indigent :
            C’est assez qu’il n’ait point d’argent
            Pour être ce qu’on le soupçonne ;
Tous les hommes pour lui sont autant d’ennemis ;
            En vain n’aurait-il rien commis,