Page:L’Œuvre de P.-C. Blessebois, 1921.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

46
L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


Qu’aveugle à mille bonds qu’il faisait pour me plaire,
Je lui fisse refus d’une faveur légère ?
Ne te souvient-il plus du jour que, dans le bois,
Épouvantant le loup de sa terrible voix,
Il sauva ta brebis que ce traître, en sa rage,
Préparait vainement à son sanglant carnage ?
Et s’il est vrai, mon cher, qu’il t’en souvienne bien,
Que pouvais-je moins faire à ce généreux chien ?
Ne sais-tu pas aussi que le chien de Nanette
Est fils de ce mâtin et de ma grand’levrette,
Oncle de ton Briffaut, et germain du chasseur
Dont je te fis présent pour gage de mon cœur ?
Et qu’ainsi l’intérêt de ces gardiens fidèles…

LUBIN

Va, je reviens, Toinon, de mes frayeurs mortelles
J’ai tort, je le confesse, et je suis un jaloux
Qui mérite l’horreur de ton juste courroux.
Frappe, tonne sur moi ! j’ai mérité ta haine,
Et je suis un ingrat indigne de ta chaîne.
Bel ange, toutefois j’implore ta douceur ;
Un fidèle galant est sujet à la peur,
Et mon âme, sans doute accessible à la crainte,
Si je ne t’aimais pas, n’en serait point atteinte.

TOINON

Berger, j’ai l’âme tendre, et tu peux espérer
Qu’un peu de temps sur moi pourra tout opérer.
Le crime à sa longueur assez souvent échappe,
Mais comme tu m’as dit que je tonne et je frappe,
Pour expier ton crime il faut que, de huit jours,
Tu ne me parles point de tes tendres amours ;
C’est à ce châtiment que mon courroux s’arrête.