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LE RUT OU LA PUDEUR ÉTEINTE


Ce serait peu de chose, et de quelque autre aimée,
Pour ce que j’ai versé, j’attendrais une armée,
Mais toujours aurions-nous opéré dans le choc ;
Vous seriez une poule et je serais un coq,
Et je n’entendrais pas sans cesse à mon oreille :
« Je ne l’aurais pas cru de monsieur de Corneille.
Il est jeune et bien fait ; on dirait, à le voir,
Qu’il s’acquitterait mieux de l’amoureux devoir.
Cependant, admirez ! car enfin c’est sa faute,
Et nous savons fort bien de l’air dont Cloris saute :
Par deux fois deux bâtards ont d’elle pris essort.
Qui dirait le contraire, on lui ferait grand tort. »
Voilà ce que l’on dit, mais le monde, en sa rage,
Ne songe pas, Cloris, que vous avez de l’âge,
Ni que votre eau glacée éteint mes feux brûlants ;
D’ailleurs, que vous bêlez au moins trente galants ;
Et puis j’ai vu le sexe à Paris et dans Rome,
Mais je n’ai vu que vous ainsi vanner un homme ;
Ou est avecque vous presque toujours en l’air,
Et votre mouvement est plus prompt qu’un éclair.
J’ai lu dans Du Laurens[1] qu’il est fort difficile
D’en user de la sorte et d’être bien fertile.
Mais, qui pis est, Cloris, dans cette agilité
Je n’envisage pas beaucoup de sûreté.
Je crains de me fêler à ces roches chenues,
Ou bien de me baigner la tête dans les nues ;
D’aller comme un aiglon affronter le soleil,
Et rendre, en trépassant, mon renom sans pareil.
Mais je veux que l’amour me porte sur ses ailes,
Et que ses petits soins me soient toujours fidèles.

  1. André Du Laurens, sieur de Ferrieres, médecin de Henri IV.