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L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


poulet de Céladon. Hïante était une fameuse maquignonne de chair humaine, qui avait beaucoup d’inclination à son service et dont la plus forte passion était de se remuer pour elle. Ses yeux étaient noirs, sa chevelure d’ébène annelée et d’une épaisseur admirable ; sa bouche était de la couleur des branches que la tête de Méduse, ou du moins son sang, fit naître sur le rivage de la mer, lorsque Persée délivra Andromède du monstre marin qui menaçait ses beaux jours ; ses dents étaient un peu grandes, mais tout à fait blanches et nettes, et sa gorge de lait avait des appas si extraordinaires qu’ils effaçaient les souvenirs des plus aimables bergères. Combien qu’elle fût mariée, elle n’avait pas renoncé à la chair fraîche, et son mari était d’un si bon naturel qu’il voyait avec plaisir les approches de la jeunesse. Aussi dois-je confesser que Hïante avait un soin extrême de la marmite et faisait couler la vie de Jean dans les flots de nonchalance et de fainéantise. Après que Dorimène se fut enivrée à son aise des douceurs de sa lettre : « Ah ! trop aimable berger, s’écria-t-elle, toute transportée ; ah ! précieux aimant de mon âme, que vous écrivez joliment et que vous savez bien le secret de me désarmer ! Que la voix est tendre que vous tenez pour m’attirer à vous, et qu’il m’est doux de connaître que vous me voulez aimer plus d’une matinée ! Ah ! grand Dieu, poursuivit-elle, que vous assemblâtes de bijoux quand vous le sortîtes du néant, et que