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Page:L’Œuvre de P.-C. Blessebois, 1921.djvu/88

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L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


à la conduite que je dois garder auprès de mon amant, contre qui tant d’amours décochent leurs pointes. » Alors Dorimène lui fit une entière confidence de ce qui s’était passé et, combien que Hïante trouvât un peu de précipitation aux plaisirs qu’elle avait accordés à Céladon, elle ne sut de quel biais se prendre à lui en faire des réprimandes, et elle se contenta d’attribuer sa promptitude à un excès d’amour, où toujours aurait-elle consenti qu’elle se fût rendue. Ensuite de cela, elle fit connaître à Dorimène l’envie qu’elle avait de voir Céladon, et Dorimène se levant à la hâte : « Suis-moi, lui dit-elle ; aussi bien le plus aimable des amants me témoigne dans son billet que je ne puis différer à l’aller voir sans entreprendre sur son repos, et il m’appelle d’un ton si doucereux que rien n’est capable de retenir mes pas.

— Traçons donc comme il faut, ajouta la curieuse maquignonne, car il est déjà tard, et je crains que l’entrée en la prison ne nous soit plus permise.

   Dorimène et Hïante sortirent,
   Et plus légères que l’Amour
   Au sombre manoir se rendirent,
 Comme la nuit en bannissait le jour.
   Le guichetier, sans courtoisie,
   N’avait pas dans la fantaisie
De leur donner si tard accès dans cet enfer ;
   Mais Dorimène de sa poche
Tira quelques testons, qui de ce Lucifer
Adoucirent soudain la fantasque caboche.