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Page:L’Œuvre de P.-C. Blessebois, 1921.djvu/91

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LE RUT OU LA PUDEUR ÉTEINTE


me donner à vous, et que mon obstination m’aurait été fatale ! Vos attraits n’ont qu’à laisser agir leur puissance pour enchaîner un million d’âmes, et ils m’étaient venus appeler jusque dans ma chambre lorsque je vous suis venue voir ce matin.

— Par ma foi, interrompit alors l’ombre de Dorimène, que le zèle animait indiscrètement, par ma foi, monsieur, je vous puis répondre de la vérité de ces paroles, combien que je n’aie pas de quoi payer, si elle venait à vous faire banqueroute. Jamais je n’ai vu une jeune fille aussi bien charmée ; aussi découvrais-je en vous, en dépit de l’obscurité, des pièges que je n’avais encore jamais remarqués en personne.

— Tout beau, ma bonne, interrompit à son tour le prisonnier, je n’ai rien que de très commun, et j’attribue à la bonne influence de mon astre et à la générosité de mon incomparable maîtresse l’affection dont elle m’honore ; et parce que je n’ai point de termes assez forts pour l’en remercier, je proteste de n’ouvrir la bouche plus d’un quart d’heure et de chercher d’autres voies à m’acquitter du devoir où sa préférence m’engage. Quant à vous, si vous n’êtes pas ennemie du genre humain, vous pouvez pour quelque temps vous aller asseoir sur cet autre lit. »

Cependant Céladon fit passer adroitement son ami en sa place, et lui facilita l’occasion d’embrasser Dorimène et de la renverser sur le même lit où elle avait perdu la plus belle rose de son parterre.