Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/8

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moins séduisant ni moins fécond en surprises de tous genres.

Où trouver plus de grâce et de charme que dans ces strophes si connues, où la jeune vierge est comparée à la rose sur son buisson :

La jeune vierge est semblable à la rose qui, dans un beau jardin, repose solitaire et en sûreté sur le buisson natal, alors que le troupeau ni le pasteur n’est proche. La brise suave et l’aube rougissante, l’eau, la terre lui prodiguent leurs faveurs ; les jeunes amants et les dames énamourées aiment à s’en parer le sein et les tempes.
Mais elle n’est pas plutôt séparée de la branche maternelle et de sa tige verdoyante, que tout ce que des hommes et du ciel elle avait reçu de faveurs, de grâce et de beauté, elle le perd. La vierge qui laisse cueillir la fleur dont elle doit avoir plus de souci que de ses beaux yeux et de sa propre vie, perd dans le cœur de tous ses autres amants le prix qu’auparavant elle avait.
Qu’elle soit méprisée des autres, et de celui-là seul aimée à qui elle a fait de soi-même un si large abandon….

Quel plus touchant, quel plus saisissant tableau que celui d’Angélique perdue sur le rivage d’une île déserte, à l’heure où la nuit tombe :

Quand elle se vit seule, en ce désert dont la vue seule la mettait en peur, à l’heure où Phébus, couché dans la mer, laissait l’air et la terre dans uni obscurité profonde, elle s’arrêta dans une attitude qui aurait fait douter quiconque aurait vu sa figure, si elle était une femme véritable et douée de vie, ou bien un rocher ayant cette forme.
Stupide et les yeux fixés sur le sable mouvant, les cheveux dénoués et en désordre, les mains jointes et les lèvres