Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/103

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Tout près était un temple aux murailles hautes et fortes, et entouré d’un fossé profond. Il s’établit solidement en tête du pont-levis, de façon qu’on ne puisse pas l’entourer. Soudain, voici qu’un gros escadron sort par la porte, poussant des cris et des menaces. L’intrépide Griffon ne bouge pas de place, et paraît peu effrayé.

Dès qu’il voit cette troupe à peu de distance, il s’élance sur la route à sa rencontre. Il en fait un grand carnage, une vraie boucherie, frappant de son épée qu’il tient dans ses deux mains. Puis il court se reposer sur le pont étroit ; mais il ne laisse pas languir longtemps ses adversaires ; il fait une nouvelle et sanglante sortie, et revient à son poste d’observation, laissant toujours après lui d’horribles traces de son passage.

Il renverse à gauche, à droite, piétons et cavaliers. Ce combat exaspère la population tout entière soulevée contre lui. À la fin, Griffon craint d’être submergé, tellement il voit croître la mer humaine qui l’entoure de tous côtés ; déjà, il est blessé à l’épaule et à la cuisse gauche, et l’haleine commence à lui manquer.

Mais la vertu, qui n’abandonne jamais les siens, lui fait trouver grâce auprès de Norandin. Le roi sent le doute l’envahir, en voyant tant de gens morts, ou couverts de blessures qu’on croirait faites par la main d’Hector ; il comprend que celui auquel il a fait subir un indigne traitement est un très excellent chevalier.

Puis, quand il est plus près, et qu’il voit en