Aller au contenu

Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut. Les uns pleurent leurs amis, leurs parents morts et abandonnés sur le champ de bataille ; les autres gémissent sur leurs propres blessures et sur leur situation. Mais tous redoutent un avenir plus terrible.

Deux Maures, d’une obscure origine et nés à Ptolémaïs, donnèrent en ces circonstances un exemple de dévouement rare et digne d’être enregistré par l’Histoire. Ils se nommaient Cloridan et Médor. Dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, ils avaient fidèlement servi Dardinel, et étaient passés en France avec lui.

Cloridan, chasseur depuis son enfance, était robuste et agile. Médor avait sur la joue les couleurs blanches et vermeilles, la grâce du jeune âge. Parmi tous ses compagnons, nul n’avait le visage plus agréable et plus beau. Avec ses yeux noirs et sa chevelure d’or crespelée, il ressemblait à un des anges du chœur céleste.

Tous les deux se trouvaient sur les remparts, avec beaucoup d’autres, chargés de veiller sur le camp, à l’heure où la nuit jette sur le ciel ses regards somnolents. Médor ne peut chasser de sa pensée le souvenir de son maître Dardinel, du fils d’Almonte, et ne peut s’empêcher de se plaindre qu’il soit resté étendu sans sépulture dans les champs.

Tourné vers son compagnon, il dit : « Cloridan, je ne puis te dire quelle douleur j’éprouve en songeant à mon prince qui est resté dans la plaine, et qui est une trop noble proie, hélas ! pour les loups et les corbeaux. Quand je pense