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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/133

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les forêts tu chasses les bêtes et les monstres, montre-moi l’endroit où mon roi est couché parmi tant de morts, car pendant sa vie il a toujours observé tes saints préceptes. »

À cette prière, soit effet du hasard, soit qu’elle fût touchée par tant de foi, la lune entr’ouvrit les nuées, belle comme lorsqu’elle se jeta nue dans les bras d’Endymion et se donna à lui. À sa lumière se découvre Paris, ainsi que les deux camps, les coteaux et la plaine. Au loin, se voient les deux collines, Montmartre à droite et Montléry à gauche.

La lumière tombe plus éclatante à l’endroit où le fils d’Almonte gît mort. Médor court en pleurant vers son cher maître, qu’il reconnaît à son écu blanc et vermeil. Il baigne son visage de larmes amères — il en avait un ruisseau sous chaque cil — et il exhale de si douces plaintes, que les vents, pour les entendre, se seraient arrêtés.

Sa voix est comme étouffée et à peine distincte ; non pas qu’il craigne de se trahir —il n’a aucun souci de sa vie ; il l’a plutôt en haine et voudrait la quitter — mais parce qu’il tremble de ne pouvoir accomplir l’œuvre pieuse pour laquelle il est venu. Tous les deux chargent le cadavre du roi sur leurs épauleî, prenant chacun la moitié du fardeau.

Ils vont aussi rapidement qu’ils peuvent sous la précieuse charge. Déjà le maître de la lumière chasse les étoiles du ciel et l’ombre de la terre, lorsque Zerbin, dont la haute valeur dédaigne le sommeil quand le devoir l’appelle, après avoir