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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/132

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vus revenir d’un combat, avec leurs épées tout ensanglantées. Il leur avait aussi promis des terres en Frise, et il les leur aurait données ; mais Médor vient détruire tous ces projets.

Les adroits compagnons parviennent enfin jusqu’aux tentes dont les paladins ont entouré celle de Charles, sur laquelle ils veillent chacun à leur tour. Là, les deux Sarrasins, rassasiés de carnage, remettent leur épée au fourreau et retournent sur leurs pas, car il leur paraît impossible qu’au milieu d’une si grande foule de gens, il ne s’en trouve pas un qui ne dorme pas.

Bien qu’ils puissent se charger d’un riche butin, ils pensent que c’est assez de sauver leur propre personne. Cloridan s’avance par les passages qu’il croit les plus sûrs, et son compagnon le suit. Ils arrivent au champ de bataille, où, parmi les épées, les arcs, les écus et les lances, gisent, pêle-mêle, dans un lac de sang, riches et pauvres, princes et sujets, hommes et chevaux.

L’horrible mélange de cadavres amoncelés dans les champs, pouvait rendre vaines les recherches des deux amis jusqu’à ce que le jour eût commencé de poindre, si, aux prières de Médor, la lune n’avait fait sortir son croissant d’une nuée obscure. Médor, les yeux pieusement fixés vers la lune, parla ainsi :

« Ô sainte Déesse, toi que nos ancêtres nommaient à bon droit triforme, ■ puisque dans le ciel, sur la terre et aux enfers tu montres ta sublime beauté sous plusieurs formes, et que dans