Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/138

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corps de mon roi. Ne pense pas que je réclame autre chose de ta pitié, et que je tienne à la vie. Je ne désire la conserver qu’autant qu’elle me permettra de donner la sépulture à mon maître.

« Tu pourras, après, si tu es aussi cruel que Créon le Thébain, donner mes membres en pâture aux bêtes et aux oiseaux de proie ; mais laisse-moi d’abord ensevelir le fils d’Almonte. » Ainsi disait Médor, avec des gestes, avec un son de voix capables d’attendrir une montagne. Zerbin en était déjà si touché, qu’il se sent ému de tendresse et de pitié.

En ce moment, un chevalier brutal, sans respect pour son prince, transperce d’un coup de lance la poitrine sans défense du malheureux suppliant. Cet acte barbare et déloyal irrite d’autant plus Zerbin qu’il voit le jeune homme tomber sous le coup, pâle et évanoui, et le considère comme mort.

Indigné et chagrin tout à la fois, il dit : « Tu ne resteras pas sans vengeance. » Et plein de courroux, il se retourne vers le chevalier qui a commis le meurtre ; mais celui-ci prenant l’avance, se dérobe à sa colère et s’enfuit. Cloridan, voyant Médor par terre, s’élance hors du bois et se montre à découvert.

Il jette son arc, et se précipite plein de rage, l’épée à la main, au milieu des ennemis, plutôt pour mourir que dans la pensée de tirer une vengeance qui le satisfasse. Bientôt, sous les coups de tant d’épées, son sang rougit le sable, et se sentant