Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nue en pâture à un monstre marin, par des gens inhospitaliers et cruels.

N’ayant pas d’autre récompense à offrir au bon pasteur et à sa femme, qui les avaient aidés avec un si grand zèle depuis le jour où ils étaient arrivés dans leur chaumière, elle ôta le bracelet de son bras et le leur donna ; elle voulut qu’ils le gardassent en souvenir d’elle. Puis ils s’acheminèrent vers la chaîne de montagnes qui sépare la France de l’Espagne.

Ils pensaient s’arrêter quelques jours à Barcelone ou à Valence, jusqu’à ce qu’ils eussent trouvé un bon navire qui appareillât pour le Levant. En descendant le versant des Pyrénées, ils découvrirent la mer au delà de Girone, et, côtoyant le rivage à main gauche, ils se dirigèrent sur Barcelone par la route ordinaire.

Mais avant d’y arriver, ils rencontrèrent sur le sable du rivage un homme fou, dont le visage, la poitrine, les reins et tout le corps étaient tout souillés de boue et de fange, comme celui d’un porc. Cet homme se rua sur eux comme un dogue qui se jette sur un étranger, et vint détruire leur bonheur. Mais je retourne vous parler de Marphise.

Je veux vous parler de Marphise, d’Astolphe, d’Aquilant, de Griffon et des autres qui, la mort devant les yeux, sont livrés à la fureur de la mer dont ils ne peuvent se garantir. La fortune, de plus en plus arrogante, redouble ses menaces et ses colères, et bien qu’elle dure depuis trois jours, elle ne semble pas prête à s’apaiser.