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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/147

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Tous font des vœux de pèlerinage au mont Sinaï, à Galice, à Chypre, à Rome, au Saint-Sépulcre, à la Vierge d’Utine et à d’autres lieux célèbres. Cependant le malheureux navire, à moitié fracassé, est soulevé jusqu’au ciel ou plongé au fond de la mer. Pour moins le fatiguer, le patron avait fait couper le mât d’artimon.

Les ballots, les caisses, et tous les objets les plus lourds, sont jetés par-dessus la proue et la poupe ; les cabines, les magasins et les riches marchandises qu’ils renferment deviennent la proie des ondes. Les uns travaillent aux pompes, et cherchent à rejeter dans la mer l’eau qui remplit le navire ; les autres réparent dans la cale les endroits où la mer a causé des avaries.

Au bout de quatre jours passés au milieu de ces fatigues et de ces angoisses, ils étaient au bout de leurs forces, et la mer en aurait eu complètement raison, pour peu que sa fureur eût continué. Mais la vue du feu Saint-Elme, qui vint se poser sur la corniche de la proue — car ils n’avaient plus ni mâts ni antennes — leur fit espérer une prochaine accalmie.

À la vue de la flamme éclatante, les navigateurs s’agenouillèrent tous, et les yeux humides de larmes, la voix tremblante, ils implorèrent une mer tranquille. La tempête cruelle, jusqu’alors si tenace, s’arrêta soudain ; le mistral et l’aquilon laissèrent le navire en paix ; et le vent du Sud-Ouest régna seul sur la mer.

Il sortait avec tant de force de sa noire caverne,