Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mesurer aujourd’hui avec toi, car je crois que tu dois être fatigué et las. » « Combattre sous les armes n’est pas chose nouvelle pour moi, et je ne me fatigue pas pour si peu, — dit Marphise — j’espère te le prouver bientôt à ton détriment.

« Je te rends grâce de ta courtoisie, mais je n’ai pas encore besoin de me reposer, et le jour est tellement peu avancé, qu’il y aurait vraiment vergogne à le passer tout entier dans l’oisiveté. » Le chevalier répondit : « Que ne puis-je satisfaire ce que mon cœur désire, aussi facilement que je puis te satisfaire en cette circonstance ! Mais prends garde que le jour ne te manque plus que tu ne crois. »

Ainsi il dit, et il fait porter en toute hâte deux grosses lances, ou plutôt deux lourdes antennes. Il donne le choix à Marphise, et prend pour lui celle qui reste. Déjà les deux adversaires sont à leur place, et l’on n’attend plus que le signal du combat. Soudain, la terre, l’air et la mer retentissent et tressaillent quand ils s’ébranlent au premier son de la trompette.

Parmi les spectateurs, on n’en verrait pas un qui ne retienne son haleine. Les lèvres fermées, les yeux fixes, ils attendent, avec anxiété, de savoir lequel des deux champions remportera la victoire. Marphise dirige sa lance pour désarçonner le chevalier noir de façon qu’il ne se relève plus ; de son côté, le chevalier noir ne s’étudie pas moins à mettre Marphise à mort.

Les lances, toutes deux en bois de saule sec et