Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/158

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léger, au lieu d’être en chêne lourd et dur, se brisent jusqu’à la poignée. Le choc est si terrible, qu’il semble que les destriers aient tous les nerfs des jambes coupés d’un coup de faux. Tous deux tombent ; mais les cavaliers sont également prompts à se dégager des étriers.

Depuis qu’elle tient une lance, Marphise a enlevé de selle, au premier choc, plus de mille chevaliers, et jamais elle n’a vidé les arçons. Elle les vide, cette fois, comme vous venez de l’entendre. Elle n’est pas seulement surprise de ce cas étrange, elle en reste comme stupéfiée. Le chevalier noir ne trouve pas sa propre chute moins étrange, car il n’est pas habitué à être désarçonné facilement.

Ils ont à peine touché la terre, qu’ils sont sur pied, et recommencent le combat. Ils frappent en furieux de la taille et de la pointe, parant tantôt avec l’écu, tantôt avec l’épée, tantôt en bondissant de côté et d’autre. Les coups tombent en plein ou à vide ; l’air en siffle et en retentit longuement. Les casques, les hauberts, les écus font voir qu’ils sont plus solides que des enclumes.

Si le bras de la rude donzelle est lourd, celui du chevalier ennemi n’est pas léger. Des deux côtés, les forces sont égales ; si l’un porte un coup, il en reçoit sur-le-champ un pareil. Pour trouver deux cœurs fiers, audacieux, intrépides, il n’est pas besoin de chercher ailleurs que chez ces deux-là ; on ne pourrait non plus trouver plus de dextérité ni plus de force que n’en ont les deux combattants.

Les femmes, qui depuis un grand moment admi-