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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/182

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vous frayer un large sentier avec vos poitrines dans le cas où le chemin nous serait intercepté. Ainsi j’espère, avec l’aide de nos épées, vous tirer de la cruelle cité. »

« Fais comme bon te semble, — dit Marphise ; — pour moi, je suis sûre de sortir par ma propre énergie. Il m’est plus facile d’occire de ma main tous ceux qui sont dans ces murs, que de fuir ou de donner le moindre signe de crainte. Je veux sortir en plein jour, et par la seule force des armes, car tout autre moyen me paraît honteux.

« Je sais que, si l’on savait que je suis une femme, je serais comblée ici d’honneurs et de récompenses, et qu’on m’y donnerait volontiers une des premières places dans le Conseil ; mais étant venue avec ceux-ci, je n’entends pas jouir de plus de privilèges qu’eux. Ce serait une trop grande lâcheté que de rester libre ici, ou de m’en aller libre, laissant les autres dans l’esclavage. »

Ces paroles, et d’autres encore qui suivirent, montraient que la seule crainte d’augmenter le péril que couraient ses compagnons — son trop d’ardeur pouvait en effet tourner à leur détriment — empêchait Marphise d’attaquer de vive force la multitude. Aussi, elle laissa à Guidon le soin d’employer le moyen qui lui paraîtrait le plus sûr.

Guidon profita de la nuit pour parler à Aléria — c’était le nom de son épouse la plus fidèle — et il n’eut pas besoin de la prier longtemps, car il la trouva toute disposée à exécuter ses ordres. Elle