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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/197

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sais au sujet de celle que tu pleures comme morte, tu me comblerais de caresses. Mais, plutôt que de te le dire, je me laisserais mettre en mille pièces par toi ; tandis quej si tu avais été plus bienveillant pour moi, je t’aurais peut-être appris ce secret »

De même que le mâtin, qui se précipite furieux contre un voleur, est prompt à s’apaiser, si on lui présente du pain ou du fromage, ou un autre appât de même nature ; ainsi Zerbin devient soudain humble et soumis, dans son désir de connaître ce que la vieille lui a dit qu’elle savait sur celle qu’il pleure comme morte.

Tournant vers elle un visage plus bienveillant, il la supplie, il la prie, il la conjure, au nom des hommes, au nom de Dieu, de ne rien lui cacher de ce qu’elle sait, que la nouvelle soit bonne ou mauvaise. « Tu ne sauras rien qui puisse te satisfaire — lui dit la vieille dure et tenace — Isabelle n’est pas morte, comme tu crois ; elle vit, mais son sort est si cruel, qu’elle désire la mort.

« Elle est tombée, depuis ces derniers jours où tu n’en as plus entendu parler, aux mains de plus de vingt bandits ; de sorte que, quand bien même tu la retrouverais, vois, si tu peux encore espérer d’en cueillir la fleur ? » « Ah ! vieille maudite — dit Zerbin — comme tu sais bien inventer tes mensonges, car tu sais bien que tu mens ! Quand bien même elle serait tombée aux mains de vingt bandits, aucun d’eux n’aurait osé la violer. »