Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moins triste de cette nouvelle et si odieuse conquête que de la perte de sa dame. La vieille, bien qu’elle n’eût jamais plus vu Zerbin, comprit, par ce qu’il disait, que c’était lui dont Isabelle de Galice lui avait jadis parlé.

Si vous vous souvenez de ce que je vous ai déjà dit, elle arrivait de la caverne où Isabelle, éprise d’amour pour Zerbin, avait été retenue captive pendant plusieurs jours. Elle lui avait entendu plusieurs fois raconter comment elle avait abandonné le rivage paternel, et comment, son navire ayant été brisé en mer par la tempête, elle s’était sauvée sur la plage de la Rochelle.

Isabelle lui avait si souvent dépeint le beau visage et les hauts faits de Zerbin, que maintenant, en l’entendant parler, et en le regardant de plus près en plein visage, elle le reconnut pour celui au sujet duquel Isabelle s’était tant désolée dans la caverne, car elle se plaignait plus de sa perte que d’être esclave des malandrins.

La vieille, en écoutant les plaintes que Zerbin laissait tomber dans son indignation et dans sa douleur, comprit qu’il croyait Isabelle morte au fond de la mer, et bien qu’elle connût la vérité à cet égard, et qu’elle pût d’un mot lui rendre le bonheur, elle se garda bien, la perverse, de lui apprendre ce qui aurait pu le réjouir et s’empressa de lui dire au contraire ce qu’elle pensait devoir lui déplaire.

« Écoute — lui dit-elle — toi qui es si altier et qui me railles et me méprises ; si tu savais ce que je