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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/204

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« Encore souffrant de ses blessures, il revêtit ses armes et quitta le château, avec la ferme résolution de ne plus jamais revenir en ces lieux. Mais à quoi cela lui servit-il ? La fortune, par une nouvelle complication, rendit sa défense vaine et inutile. Le mari, de retour- en son château, trouve sa femme dans les larmes,

« Échevelée, la face couverte de rougeur. Il lui demande la cause d’un tel trouble. Avant de répondre, elle se fait plus d’une fois prier, cherchant pendant ce temps comment elle pourra se venger de celui qui l’a abandonnée. Soudain, dans son esprit mobile, elle sent son amour se changer en haine.

« Hélas ! — dit-elle enfin — comment pourrais-je, seigneur, cacher la faute que j’ai commise en ton absence ? Et quand bien même je parviendrais à la cacher à tout le monde, comment pourrais-je la cacher à ma conscience ? Mon âme qui sent toute l’ignominie de son crime, porte en elle-même un châtiment bien au-dessus de toutes les peines corporelles qu’on pourrait m’infliger pour me punir de ma faute.

« Mais la faute n’est-elle pas plutôt à qui m’a fait violence ? Donc, quelque honteux que ce soit, apprends-le ; puis avec ton épée, arrache de mon corps souillé, mon âme blanche et immaculée, et ferme pour jamais mes yeux à la lumière, afin que, après un tel affront, je ne sois pas obligée de les tenir constamment baissés et de rougir devant tous.