Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Ton ami m’a ravi l’honneur ; il a violé mon corps par la force, et dans la crainte que je ne te raconte tout, le misérable est parti sans prendre congé de toi. » Par ce récit, elle rend odieux à son mari celui qu’il aimait plus que tout autre ; Argée la croit ; sans vouloir plus rien entendre, il saisit ses armes et court se venger.

« Comme il connaissait le pays, il rejoignit bientôt mon frère qui, malade et chagrin, s’en allait paisiblement et sans aucun soupçon. Il l’atteint dans un endroit désert, et aussitôt il l’attaque pour se venger sans retard. Sans écouter les raisons de mon frère, Argée veut se battre avec lui.

« L’un était bien portant, et plein d’une haine nouvelle, l’autre malade et conservant toujours son ancienne amitié, de sorte que mon frère avait un désavantage marqué contre son compagnon devenu son ennemi. Aussi Filandre — c’est ainsi que s’appelait le malheureux jeune homme — bien qu’il ne méritât point un pareil sort, ne put soutenir une telle lutte, et fut fait prisonnier.

« À Dieu ne plaise — lui dit Argée — que ma a juste fureur et ton indigne conduite me poussent jusqu’à.me couvrir du sang de celui que j’ai aimé. Toi aussi, tu m’as aimé, bien qu’à la fin tu me l’aies mal montré. Cependant je veux faire voir à tous que, dans ma vengeance comme dans l’amitié, je suis meilleur que toi.

« Je punirai ton crime autrement qu’en souillant mes mains de ton sang. » Ainsi disant, il fit placer sur un cheval un brancard de vertes bran-