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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/206

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ches, et l’on rapporta mon frère quasi mort dans le château, où, bien qu’innocent, il fut condamné à rester éternellement prisonnier.

« Rien ne lui manquait cependant, si ce n’est la liberté de s’en aller. Pour tout le reste, on obéissait à ses ordres, comme s’il eût été libre. Mais cette infâme n’avait pas renoncé à ses projets. Presque chaque jour elle descendait à la prison dont elle avait les clefs et qu’elle pouvait ouvrir à sa fantaisie.

« Elle renouvelait sans cesse ses tentatives auprès de mon frère, et toujours avec une audace plus grande. « À quoi te sert ta fidélité — lui disait-elle — puisque chacun te croit perfide ? Quel glorieux triomphe, quel prix en retires-tu ? Quel mérite t’en revient-il, puisque chacun te jette l’injure comme à un traître ?

« Si tu m’avais accordé ce que je veux de toi, ton honneur n’eût pas été atteint. Supporte maintenant l’éclatante récompense de ta rigueur obstinée. Tu es en prison ; n’espère pas en sortir, à moins que tu ne consentes à adoucir tes premiers refus. Dès que tu auras satisfait à mes désirs, je te ferai rendre la liberté et l’honneur. »

« Non, non — dit Filandre — n’espère pas me rendre jamais infidèle à l’amitié, quand bien même je ne devrais en retirer, contre toute justice, que la récompense la plus dure, quand bien même le monde me traiterait d’infâme. Il suffit qu’aux yeux de celui qui voit