Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/25

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Et tenant la tête par le nez, il enleva complètement la chevelure par devant et par derrière. Le fatal cheveu se trouvait parmi les autres. Aussitôt la face devint pâle et livide, les yeux se contournèrent, signes certains qu’elle était morte. Le buste qui venait par derrière, décapité, tomba de selle et s’agita dans une dernière convulsion.

Astolphe revint à l’endroit où il avait laissé les dames et les chevaliers, tenant à la main cette tête où étaient les empreintes de la mort, et montra le tronc qui gisait au loin par terre. Je ne sais trop si les deux frères le virent avec plaisir, bien qu’ils lui montrassent un visage gracieux, car ils devaient être mordus au cœur par la jalousie à cause de la victoire qui leur était enlevée.

Et je ne crois pas que le résultat de la bataille fut non plus très agréable aux deux dames. C’étaient elles qui avaient mis les deux frères aux prises avec Orrile, pour retarder autant que possible le cruel destin qui, paraît-il, les attendait bientôt en France. Elles espéraient les retenir si longtemps au loin, que la cruelle influence serait dissipée.

Dès que le gouverneur de Damiette eut été informé de la mort d’Orrile, il lâcha une colombe qui portait un message lié sous son aile avec un fil. La colombe arriva au Caire. De là, on en lâcha une seconde pour un autre lieu, et ainsi de suite, de sorte qu’en peu d’heures la nouvelle de la mort d’Orrile fut connue dans toute l’Égypte.

Le duc, ayant terminé son entreprise, engagea fortement les deux nobles garçons — bien qu’ils