Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/258

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Ce qui lui cause le plus de douleur, c’est qu’elle appartienne au chevalier à qui il doit tant. Essayer de la lui enlever ne serait ni honnête ni chose facile sans doute. Il ne laisserait certainement à personne autre une telle proie sans la lui disputer ; mais une telle reconnaissance le lie envers le comte, qu’il est forcé de courber la tête.

Ils arrivent tous les trois, sans s’être dit une parole, près d’une fontaine où ils descendent de cheval pour se reposer un instant. Le comte, fatigué, enlève son casque et invite Zerbin à retirer aussi le sien. La dame, qui reconnaît son amant, pâlit soudain de joie ; mais elle se ranime vite, comme la fleur, après une grande pluie, au retour du soleil.

Et, sans plus attendre, sans la moindre fausse honte, elle court à son cher amant et lui jette les bras autour du cou. Elle ne peut prononcer une parole, mais elle lui baigne de larmes le sein et la figure. Roland, à la vue de ces transports, n’a pas besoin d’autre explication pour comprendre que le chevalier qu’il a sauvé n’est autre que Zerbin.

Dès que la voix lui est revenue, Isabelle, les joues encore humides de pleurs, raconte à Zerbin tout ce qu’elle doit à la courtoisie du paladin de France. Zerbin, qui chérit la damoiselle à l’égal de sa vie, se jette aux pieds du comte, et lui rend grâce de lui avoir deux fois rendu la vie en une heure.

Les remerciements et les offres de services auraient pu durer longtemps entre les deux cheva-