Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/257

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long du chemin ; d’autres se cachent dans les bois et dans les cavernes. Roland, sans pitié ce jour-là, ne veut pas en laisser échapper un seul vivant.

Sur cent vingt, — c’est Turpin qui a fait le compte, — quatre-vingt-dix au moins périrent. À la fin, Roland revient vers Zerbin, dont le cœur tressaille d’impatience dans la poitrine. Si celui-ci éprouva une vive allégresse en voyant revenir Roland, cela ne se peut raconter pleinement en ces vers ; il se serait prosterné pour l’honorer, mais il se trouvait lié sur le roussin.

Roland le délie et l’aide à revêtir ses armes, qu’il a reprises au capitaine de la troupe, auquel elles n’ont pas porté bonheur. Pendant ce temps, Zerbin lève les yeux sur Isabelle, restée sur le sommet de la colline, et qui, voyant le combat terminé, s’est avancée plus belle que jamais.

Lorsque Zerbin voit s’approcher la dame qu’il a tant aimée, la belle dame qu’il croyait, sur la foi d’une fausse nouvelle, engloutie dans les flots, et qu’il a si longtemps pleurée, il sent un froid glacial lui serrer le cœur ; tout son corps tremble ; mais bientôt le frisson fait place aux feux ardents de l’amour.

La reconnaissance qu’il doit au seigneur d’An-glante l’empêche de se jeter dans ses bras, car il pense que Roland est devenu l’amant de la damoi-selle. La joie qu’il a d’abord éprouvée dure peu, et fait place à une peine plus amère ; il a moins souffert quand il a appris qu’elle était morte, qu’en la voyant aux mains d’un autre.