Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/260

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tu portes sur tes armes, et c’est toi, je le sais. À défaut de ces indications, je te reconnaîtrais au milieu de cent autres, rien qu’à ta fière prestance. »

« On ne peut dire,—lui répond Roland, — que tu ne sois pas un chevalier de grande vaillance, car, à mon avis, un dessein si magnanime ne saurait naître en un cœur vil. Si c’est le désir de me voir qui t’a fait venir, je veux que tu me voies à visage découvert, comme tu as vu mes armes ; je vais ôter mon casque, afin que ton envie soit satisfaite.

« Mais quand tu m’auras bien vu en face, il te restera encore à satisfaire le second désir qui t’a fait suivre mon chemin, c’est-à-dire à voir si ma valeur répond à cette fière prestance que tu admires tant. » « Maintenant, — dit le païen, — que tu m’as satisfait entièrement.sur le premier point, venons au second. »

Cependant le comte examine le païen des pieds à la tête ; il regarde à la ceinture, à l’arçon, et n’y voit pendre ni masse d’armes ni épée. Il lui demande de quelle arme il compte se servir, si sa lance vient à se rompre. L’autre lui répond : « Ne t’inquiète point de cela. Avec cette seule lance j’ai déjà fait peur à beaucoup d’autres.

« J’ai juré de ne point ceindre d’épée que je n’aie enlevé Durandal au comte. Je vais, le cherchant par tous les chemins, atin qu’il ait à faire plus d’une pose avec moi. Je l’ai juré, si tu tiens à le savoir, le jour où je plaçai sur mon. front ce casque, lequel, ainsi que toutes les autres armes