Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/262

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rompent et volent en mille éclats vers le ciel.

Les deux lances sont forcées de se rompre, car les cavaliers ne veulent plier ni l’un ni l’autre, et reviennent au combat avec les tronçons qui sont restés intacts. Les deux adversaires, qui n’ont jamais manié que le fer, font maintenant un terrible usage de leurs tronçons de lance, semblables à deux paysans qui se battent pour la possession d’un ruisseau ou la délimitation d’un pré.

Au quatrième choc, les tronçons mêmes viennent à leur manquer ; mais leur colère n’en devient, à l’un comme à l’autre, que plus bouillante. Il ne leur reste pour se frapper que leurs poings. Partout où leurs doigts peuvent s’accrocher, ils ouvrent les cuirasses ou déchirent les mailles. Les lourds marteaux et les fortes tenailles ne feraient pas mieux.

Le Sarrasin cherche comment il pourra terminer à son honneur ce combat acharné ; ce serait folie de perdre son temps à se frapper de la sorte, car les coups sont plus douloureux pour celui qui les donne que pour celui qui les reçoit. Ils se saisissent tous les deux corps à corps. Le roi païen serre Roland à la poitrine ; il croit l’étouffer comme le fils de Jupiter étouffa jadis Antée.

Il le prend impétueusement de côté, le heurte, l’attire à lui, et son animosité est si grande, qu’il ne prend point garde à la bride de son cheval. Roland, plus maître de lui, en fait son profit et en espère la victoire ; il pose doucement la main sur les yeux du cheval de Mandricard et fait tomber la bride.