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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/276

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sages. Si, comme Roland, tous ceux qui en sont atteints ne deviennent pas furieux, leur égarement se traduit par quelque autre signe. Et quelle marque plus évidente de folie que de s’annihiler soi-même devant la volonté d’autrui ?

Les effets sont variés, mais la folie qui les produit est une. C’est comme une grande forêt, où quiconque se hasarde doit infailliblement s’égarer ; les uns vont en haut, les autres en bas, ceux-ci d’un côté, ceux-là d’un autre. En résumé, et pour conclure, voici ce que je dis : Celui qui s’abandonne à l’amour mérite, entre autres peines, les soucis et les chaînes qui l’attendent.

On pourrait bien me dire : « Frère, tu vas en remontrant aux autres, et tu ne vois pas ta propre faiblesse. » À cela, je réponds que je vous comprends fort bien, maintenant que mon esprit est dans un moment lucide. J’ai grand souci — et j’espère le faire un jour — de me reposer enfin ; mais dès que je veux mettre cette résolution à exécution, je ne le puis, car le mal a pénétré jusqu’au fond de mes os.

Seigneur, je vous disais, dans l’autre chant, que le furieux et forcené Roland, après avoir arraché ses armes et déchiré ses vêtements, les avait dispersés dans la campagne ; qu’il avait jeté son épée sur le chemin, déraciné les arbres, et qu’il faisait retentir de ses cris les cavernes et les forêts profondes, lorsque, attirés par la rumeur, de nombreux pasteurs accoururent, conduits en ces lieux par leur mauvaise étoile ou en punition de quelque péché.