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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/278

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vous auriez pu voir mille paysans descendre des montagnes, avec des piques, des arcs, des épieux et des frondes, et tout autant se diriger de la plaine vers les hauteurs, afin de livrer au fou un assaut de leur façon.

Ainsi, sur la rive salée, la vague poussée par le vent du midi s’en vient tout d’abord comme en se jouant ; mais la deuxième est plus haute que la première, et la troisième suit avec plus de force encore : à chaque vague nouvelle, l’onde croît en intensité et déferle plus avant sur la grève. De même, autour de Roland, s’accroît la tourbe impitoyable qui descend des hauteurs ou surgit des vallées.

Il en tue dix, puis dix encore, qui lui tombent au hasard sous la main ; cette expérience démontre clairement aux autres qu’ils seront beaucoup plus en sûreté en se tenant au loin. C’est en vain qu’ils le frappent ; le fer ne peut répandre le sang de son corps. Le roi du ciel a accordé une telle faveur au comte, afin de le conserver pour la défense de la sainte Foi.

Roland aurait été en danger de mort, s’il avait pu mourir. Il aurait appris combien il avait été imprudent en jetant son épée et en restant sans armes. Enfin la populace se retire, voyant que ses coups restaient sans effet. Roland, n’ayant plus personne devant lui, prend le chemin d’un bourg composé de quelques maisons.

Il n’y trouve personne ; petits et grands, tous les habitants, pris de peur, avaient abandonné le