Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/279

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village. En revanche, il y avait une grande quantité de provisions, d’une nature grossière et appropriée à la vie des champs. Sans distinguer le pain d’avec les glands, Roland, poussé par un long jeûne et par sa furie, porte gloutonnement les mains et les dents sur les premiers objets qu’il rencontre, crus ou cuits.

Puis il erre par tout le pays, donnant la chasse aux hommes et aux bêtes, et courant à travers les bois. Tantôt il attrape les chevreuils alertes et les daims légers ; tantôt il lutte avec les ours et les sangliers, et les terrasse de ses mains nues ; le plus souvent, il dévore avec une avidité bestiale leur chair et toutes leurs dépouilles.

Deçà, delà, sur les monts et dans les plaines, il parcourt toute la France. Il arrive un jour près d’un pont sous lequel un fleuve, large et profond, roule ses eaux entre deux rives escarpées. Tout auprès, s’élève une tour du haut de laquelle on découvre au loin tous les alentours. Ce qu’il fit en cet endroit, vous l’apprendrez ailleurs, car il me plaît de vous parler auparavant de Zerbin.

Zerbin, après que Roland fut parti, attendit quelque temps, et prit ensuite le sentier que le paladin avait suivi, laissant aller son destrier à pas lents. Il n’avait pas, je crois,,fait encore deux milles, lorsqu’il aperçut, lié sur un petit roussin, un chevalier de chaque côté duquel se tenait un cavalier tout armé.

Zerbin, dès qu’il fut près de lui, reconnut le prisonnier ; Isabelle le reconnut aussi. C’était