Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/288

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Il voit au loin briller je ne sais quoi, et il trouve que c’est la cuirasse du comte ; puis il retrouve son casque, mais ce n’est pas ce casque fameux qui arma jadis la tête de l’Africain Almont. Il entend hennir un destrier au plus épais du bois, et, à ce bruit, il lève la tête. Il voit Bride-d’Or, qui paissait tranquillement l’herbe, et dont la bride pendait à l’arçon de la selle.

Il cherche Durandal à travers la forêt et la voit gisant hors du fourreau. Il trouve aussi, mais en lambeaux, la soubreveste dont le malheureux comte a dispersé les morceaux en cent endroits. Isabelle et Zerbin, le visage consterné, s’arrêtent tout surpris et ne savent que penser. Ils pourraient en effet tout supposer, excepté que Roland est privé de sa raison.

S’ils avaient seulement aperçu une goutte de sang, ils pourraient croire qu’il est mort. Cependant ils voient venir le long du ruisseau un jeune berger couvert de pâleur. Celui-ci, du haut d’une roche, avait été témoin de la fureur terrible de l’infortuné ; il l’avait vu jeter ses armes, déchirer ses habits, mettre à mort les pasteurs et faire mille autres ravages.

Interrogé par Zerbin, il lui raconte tout ce qui s’est passé. Zerbin s’étonne et peut à peine y croire, malgré les preuves manifestes qu’il a sous les yeux. Quoi qu’il en soit, saisi de pitié, il met pied à terre, et, les yeux remplis de larmes, le cœur plein de tristesse, il s’en va de côté et d’autre, recueillant comme des reliques les débris épars çà et là.