Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/292

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pénétra dans la chair à peine assez pour endommager la peau. La plaie peu profonde, mais longue d’autant, n’aurait pu se mesurer avec une aune. Un sang chaud marque les armes blanches d’un filet rouge qui retombe jusqu’aux pieds.

Ainsi, souvent, j’ai vu la main plus blanche que l’albâtre, et dont mon cœur a ressenti tant de fois les atteintes, orner d’un beau ruban de pourpre un tissu d’argent. En vain Zerbin est passé maître dans les armes, en vain il possède beaucoup de force et encore plus de courage ; la finesse des armes et la vigueur du roi de Tarlarie donnent à son adversaire un trop grand avantage.

Le coup porté par le païen fut plus terrible en apparence qu’il ne le fut réellement. Isabelle sentit son cœur se fendre dans sa poitrine glacée. Quant à Zerbin, plein d’ardeur et de vaillance, et tout enflammé de colère et de dépit, il prend son épée à deux mains, et frappe de toute sa force le Tartare au beau milieu du casque.

Sous l’effroyable botte, l’altier Sarrasin s’incline jusque sur le col de son destrier. Si son casque n’avait pas été enchanté, le rude coup lui aurait séparé la tête en deux. Il ne tarde pas à se bien venger, et sans dire : « Je te la réserve pour un autre moment, » il lève son épée sur le casque de son adversaire, espérant lui fendre la tête jusqu’à la poitrine.

Zerbin, attentif à ses mouvements, fait promptement tourner son cheval à droite, mais pas assez vite cependant pour éviter l’épée tranchante qui