Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/319

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de chevaliers, par lesquels nous fûmes reçus avec les honneurs qu’on accorde d’habitude aux reines et aux grandes dames. Là je ris plus d’une fois en moi-même des regards lascifs que me lançaient les chevaliers, qui ne savaient pas ce qui se cachait de valide et de gaillard sous mes vêtements de femme.

« La nuit était fort avancée lorsqu’on se leva de table, laquelle avait été chargée des mets les plus recherchés, selon la saison. Sans attendre que.je lui demande la chose pour laquelle j’étais venu, la dame m’invite d’elle-même, et par courtoisie, à partager sa couche pour cette nuit.

« Les dames et les damoiselles se retirent, ainsi que les pages et les camériers. Restés seuls ensemble, nous nous déshabillons et nous nous mettons au lit à la lueur des torches qui éclairaient comme si c’eût été jour. Alors, je commençai : « Ne vous étonnez pas, madame, si je reviens ci si vite près de vous. Vous vous imaginiez sans doute me revoir Dieu sait quand.

« Je vous dirai d’abord la cause de mon départ, puis je vous expliquerai celle de mon retour. Si j’avais pu, madame, en restant près de vous, contenter votre ardeur, j’aurais voulu vivre et mourir à votre service, sans vous quitter un seul instant. Mais comprenant combien ma vue vous était cruelle, je m’éloignai, ne pouvant faire mieux.

« La fortune me conduisit au milieu d’un bois inextricable, où j’entendis soudain retentir des