Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouvelle, dans l’espoir de s’attirer ses bonnes grâces et d’en recevoir quelque don généreux.

« Tous m’avaient pris, comme tu l’as fait toi-même, pour Bradamante ; d’autant plus que j’avais les mêmes vêtements et le même cheval que celle-ci, lorsqu’elle était partie, le jour d’avant. Fleur d’Épine vient au bout d’un moment et m’accueille avec une telle fête, de telles caresses, avec un visage si content et si joyeux, qu’une plus grande joie ne se pourrait voir au monde.

« Elle me jette ses beaux bras autour du cou, m’étreint doucement sur son cœur, et me baise sur la bouche. Tu peux juger si dans ce moment Amour, qui dirigeait sur moi sa flèche, me frappa en plein cœur ! Elle me prend par la main, et me mène en toute hâte dans sa chambre. Elle veut me débarrasser elle-même de mes armes, depuis le casque jusqu’aux éperons, et ne permet pas que d’autres s’occupent de ce soin.

« Puis, s’étant fait apporter une de ses robes les plus riches et les plus ornées, elle me la passe de sa propre main, et comme si j’eusse été une femme, elle m’habille et réunit mes cheveux dans un filet d’or. Moi, je baissais modestement les yeux ; rien dans mes gestes n’aurait pu faire soupçonner que je n’étais pas une femme. J’adoucis si bien ma voix, qui aurait pu me trahir peut-être, que personne ne s’aperçut de Ia vérité.

« Nous nous rendîmes ensuite dans une salle où se trouvaient un grand nombre de dames et