Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/39

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croyez pas que vous-mêmes resteriez longtemps sans être attaqués par les Maures, et que votre royaume serait suffisamment protégé par la mer. Si jadis on les a vus traverser d’autres fois le détroit de Gibraltar, et laisser les colonnes d’Hercule pour porter la dévastation dans vos îles, que ne feraient-ils pas aujourd’hui, une fois maîtres de nos pays ?

« Et quand bien même l’honneur et l’intérêt ne vous pousseraient pas à cette entreprise, un commun devoir commande de se secourir les uns les autres, tous ceux qui combattent pour une même Église. Que je ne vous livre pas les ennemis en déroute, et cela sans grand effort, aucun de vous ne doit montrer à cet égard de la crainte, car ils me font tous l’effet d’une multitude sans expérience, sans force, sans courage et sans armes. »

Par ces paroles et des raisonnements encore meilleurs, par son langage énergique et sa voix entraînante, Renaud parvint à porter au comble l’ardeur de ces magnanimes barons et de cette belliqueuse armée. Comme dit le proverbe, il donna de l’éperon au coursier qui courait déjà avec rapidité. Son discours terminé, il fit avancer tout doucement ses troupes sous leurs bannières respectives.

Évitant tout bruit, toute rumeur, il fait avancer son armée divisée en trois corps. À Zerbin, qui marche le long du fleuve, il réserve l’honneur d’attaquer le premier les barbares. Il range en arrière les Irlandais dans la plaine. Les cava-