Aller au contenu

Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coursier, qui se croyait condamné à porter longtemps encore une si énorme charge, rend en lui-même grâce à Renaud de ce que, par cette rencontre, il lui a épargné une plus longue fatigue.

Sa lance rompue, Renaud fait tourner son destrier avec tant de légèreté, qu’il semble que celui-ci ait des ailes, et se précipite impétueusement là où il voit la foule plus épaisse. Il s’escrime si bien avec Flamberge toute rouge de sang, que les armes qu’elle touche semblent être de verre fragile. Son tranchant, sans être arrêté par la trempe du fer, pénètre jusqu’à la chair vive.

L’épée tranchante ne rencontre que peu d’armures en fer trempé ; mais le plus souvent des boucliers en cuir ou en bois, et des pourpoints usés en drap roulé. Aussi Renaud abat, transperce, déchire, pourfend tous ceux qu’il atteint. Ils ne résistent pas plus à son épée que l’herbe ne résiste à la faux, ou le blé à la tempête.

La première troupe était déjà mise en déroute, quand Zerbin arriva avec l’avant-garde. Le chevalier, la lance en arrêt, accourait à la tête de ses soldats qui suivaient son pennon avec non moins d’ardeur. On aurait dit des loups et des lions prêts à se jeter sur des chèvres ou des moutons.

Dès qu’on fut près de l’ennemi, chaque cavalier fit sentir en même temps l’éperon à son cheval, et en un instant fut franchie la petite distance, le faible intervalle qui existait entre l’une et l’autre armée. On ne vit jamais une plus étrange mêlée ; les Écossais seuls frappaient, tandis que les Sar-