Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/66

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mon triste sort. Mais maintenant, la pensée que tu dois mourir me rendra ta mort plus douloureuse que la mienne. » Elle poursuit en se montrant plus affligée du sort de Norandin que de son propre malheur.

« C’est l’espoir de te sauver, toi et tous nos compagnons, qui m’a fait venir ici, — lui dit le roi.— Si je ne puis y parvenir, il vaut mieux que je meure aussi, car je ne puis vivre privé de ta vue, ô mon soleil ! Je pourrai m’en retourner d’ici comme j’y suis venu, et vous viendrez tous avec moi, si vous ne répugnez pas à vous imprégner, ainsi que je l’ai fait, de l’odeur d’un animal infect. »

« Puis il nous fait connaître la ruse que la femme de l’Ogre lui a suggérée à lui-même pour tromper l’odorat du monstre, et qui consiste à nous vêtir de peaux pour qu’il nous palpe impunément au sortir de la grotte. Quand chacun de nous eut bien compris, nous tuâmes autant de boucs que nous étions de prisonniers de l’un et de l’autre sexe, en ayant soin de choisir les- plus fétides et les plus vieux.

« Nous nous oignîmes le corps de la graisse que nous recueillîmes autour des intestins, et nous nous revêtîmes de leurs peaux hideuses. Pendant ce temps, le jour sortit de sa demeure dorée. Dès que le premier rayon du soleil apparut dans la caverne, le pasteur revint, et, soufflant dans ses roseaux sonores, il appela ses troupeaux dans la campagne.