Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/67

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« Il tenait d’une main la pierre de la grotte pour que nous ne pussions pas sortir en mëme temps que le troupeau ; il nous saisissait au passage et ne laissait sortir que ceux auxquels il sentait de la peau ou de la laine sur le dos. Hommes et femmes, nous sortions. tous par cet étrange chemin,. couverts de nos cuirs poilus. L’Ogre ne retint aucun de nous. Lucine venait la dernière, tremblante d’effroi.

« Lucine, soit qu’elle n’eût pas voulu, par répugnance, s’oindre comme nous ; soit que sa démarche fût plus lente ou moins assurée que celle de la bête qu’elle devait imiter ; soit qu’elle eût poussé un cri dîépouvante quand l’Ogre la palpait ; soit enfin que ses cheveux se fussent dénoués, fut reconnue par l’Ogre, je ne saurais bien vous dire comment.

« Nous étions tous si préoccupés de notre propre situation, que nous ne faisions point attention à ce qui pouvait arriver à nos compagnons. Je me retournai au cri poussé par Lucine, et je vis le monstre, qui lui avait déjà arraché la peau de bouc, la renfermer dans la caverne. Pour nous, marchant à quatre pattes sous notre déguisement, nous suivîmes avec le troupeau l’horrible berger, qui nous mena sur une plage agréable, entre de vertes collines.

« Là, nous attendons qu’étendu à l’ombre d’un épais feuillage, l’Ogre au nez subtil soit endormi. Alors nous courons, les uns le long de la mer, les autres vers la montagne. Seul Norandin refuse de nous suivre. Il veut retourner avec le troupeau