Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la grotte, pour n’en sortir qu’après avoir délivré sa fidèle compagne, ou pour y mourir.

« Quand, au sortir de la caverne, il avait vu Lucine rester seule captive, il fut sur le point, dans sa douleur, de se jeter volontairement dans la gueule de l’Ogre. Il se précipita et courut presque jusque sous son museau, et peu s’en fallut qu’il ne fût broyé par cette meule. Mais l’espérance de tirer encore Lucine de prison le retint au milieu du troupeau.

« Le soir, quand l’Ogre ramena son bétail à la caverne, et qu’il sentit que nous nous étions enfuis, et qu’ainsi il se trouvait privé de sa nourriture, il accusa Lucine d’avoir tout fait et la condamna à être enchaînée à jamais sur une roche nue et élevée. Le roi la voit souffrir à cause de lui ; il se désespère, et ne peut mourir.

« Matin et soir, le malheureux amant peut la voir s’affliger et se plaindre. Mêlé aux chèvres, il va de la grotte à la campagne. Lucine, d’une voix triste et suppliante, le conjure au nom de Dieu de ne pas rester plus longtemps, car il risque sa vie, sans pouvoir lui être d’aucun secours.

« De son côté, la femme de l’Ogre prie le roi de s’en aller ; mais il ne l’écoute pas, il refuse plus que jamais de partir sans Lucine, et s’obstine de plus en plus dans son projet. Il resta dans cette servitude, où le retenaient l’amour et le dévouement, jusqu’à ce que le fils d’Agrican et le roi Gradasse vinrent aborder près du rocher.

« Ils déployèrent tant d’audace, qu’ils réussirent