Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/89

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fuyait sans tourner la tête. Dans toute la ville, ce ne fut qu’un cri, qu’un tumulte, qu’une rumeur immense.

Griffon en saisit deux des plus robustes parmi ceux qui, pour leur malheur, ont vu le pont se lever devant eux ; il fait jaillir la cervelle de l’un d’eux dans les champs, en lui brisant la tête contre une pierre ; il prend l’autre par la poitrine, et le lance au milieu de la ville, par-dessus les murs. Un frisson glacial parcourt les os des paisibles bourgeois, quand ils voient cet homme leur tomber du ciel.

Beaucoup craignent que le terrible Griffon ne saute lui-même par-dessus les remparts. Il n’y aurait pas eu plus de confusion, si le sSoudan eût livré l’assaut à Damas. Le bruit des armes, les gens qui courent affolés, le cri des muezzins poussé du haut des minarets, le son des tambours et des trompettes, produit un vacarme assourdissant et dont le ciel paraît retentir.

Mais je veux remettre à une autre fois le récit de ce qui advint ensuite. Il me convient, pour le moment, de suivre le bon roi Charles allant en toute hâte au-devant de Rodomont qui massacre ses sujets. Je vous ai dit que le roi était accompagné du grand Danois, de Naymes, d’Olivier, d’Avin, d’Avolio, d’Othon et de Bérenger.

La cuirasse d’écailles dont le Maure cruel avait la poitrine couverte, eut à soutenir à la fois le choc de huit lances, choc que la force de huit guerriers semblables rendait terrible. De même que le na-