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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/91

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d’eux. La foule, qui reconnaît que la fuite lui servirait à peu de chose, accourt, par toutes les rues, sur la place. La présence du roi ranime tellement les cœurs, que chacun reprend courage et saisit une arme.

Lorsque, pour servir aux jeux de la populace, on a renfermé un taureau indompté dans la cage d’une vieille lionne habituée à ce genre de combat, les lionceaux, effrayés par les mugissements de l’animal hautain, et par ses grandes cornes qu’ils n’ont jamais vues, se tiennent tout tremblants dans un coin.

Mais aussitôt que leur mère s’est lancée furieuse sur la bête, et lui a planté ses dents féroces dans l’oreille, avides, eux aussi, de plonger leurs mâchoires dans le sang, ils lui viennent ardemment en aide. L’un mord le taureau à l’échine, l’autre au flanc. Ainsi font tous ces gens contre le païen. Des toits et des fenêtres, pleut sur lui une nuée de flèches et de traits.

La presse des cavaliers et des gens à pied est si grande, qu’à peine la place peut les contenir. La foule qui débouche par chaque rue, croît de minute en minute, aussi épaisse qu’un essaim d’abeilles. Quand bien même elle aurait été réunie en un seul groupe, nue et désarmée, et plus facile à tailler que des raves et des choux, Rodomont n’aurait pu la détruire en vingt jours.

Le païen ne sait comment en venir à bout. C’est à peine si dix mille morts et plus, dont le sang rougit la terre, ont diminué la foule dont le flot