Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/117

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autre se serait emparé d’une donzelle. Il rassemble les rênes et la bride, et, d’un bond, saute en selle.. Il la fait courir pendant plusieurs milles, de çà, de là, sans lui laisser de repos, sans jamais lui ôter la selle ni le frein, et sans lui laisser goûter ni herbe ni foin.

En voulant franchir un fossé, il roule au fond avec la jument. Non seulement il n’éprouve aucun mal, mais il ne sent pas même la secousse. Quant à la malheureuse bête, elle se brise l’épaule au fond du fossé. Roland ne voit pas. comment il pourra la tirer de là ; finalement, il la charge sur son épaule et, sous ce poids énorme, il parcourt encore trois portées d’arc.

Mais sentant que la charge devient trop lourde, il la dépose à terre, et cherche à la tirer après lui. La jument le suit d’un pas lent et boiteux. Roland lui disait : « Marche ! » mais il parlait en vain. Du reste, l’eût-elle suivi au galop, que son désir insensé n’eût pas été satisfait. À la fin, il lui enlève le licol et l’attache par le pied droit.

Puis il la tire après lui, et la réconforte en lui disant qu’ainsi elle pourra le suivre plus facilement. Le poil et la peau de la malheureuse bête restent aux pierres du chemin, et elle meurt enfin de fatigue et de coups. Roland ne s’en aperçoit même pas, et, sans la regarder, il poursuit son chemin en courant.

Il va, la traînant toujours, bien que morte. Il dirige sa course vers l’Occident. Sur son passage, il saccage palais et chaumières. Lorsqu’il éprouve