Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bres s’épaississent. Il craint de ne pouvoir aller plus avant, et d’être obligé de retourner sur ses pas. Soudain il voit quelque chose qu’il ne peut distinguer, s’agiter à la voûte comme remue au vent le cadavre d’un pendu qui est resté exposé pendant plusieurs jours à la pluie et au soleil.

À la lumière faible, presque nulle, qui règne dans ce chemin noir et enfumé, il ne peut discerner quel est l’objet qui s’agite dans l’air. Pour s’en rendre compte, il s’avise de lui porter un ou deux coups de son épée ; puis il s’arrête, pensant que c’est peut-être un-Esprit qu’il vient de frapper à travers la fumée.

Alors il entend ces paroles prononcées d’une voix-triste : « Hélas ! descends sans faire du mal aux autres. C’est assez que je sois tourmenté par la fumée épaisse que vomit le feu infernal. » Le duc stupéfait s’arrête, et dit à l’ombre : « Que Dieu arrête la fumée de façon qu’elle ne puisse monter jusqu’à toi. Mais qu’il te plaise de m’apprendre ton sort.

« Et si tu veux que je porte de tes nouvelles dans le monde là-haut, je suis prêt à te satisfaire. » L’ombre répondit : « Il me paraît encore si bon de retourner, ne fût-ce que par le souvenir, à la lumière éclatante et belle, que le grand désir que j’ai d’une telle faveur m’engage à parler, et à te dire mon nom et ma condition, bien que chaque parole me soit un ennui et une fatigue. »

Et elle commença : « Seigneur, je me nomme